James
était glacé. Tout son corps était lourd et semblait ne plus avoir
de vie. Une seule zone était entourée de chaleur, sa main gauche ;
il la sentait même bouger.
_
Alors, demanda à sa droite une voix masculine légèrement
rocailleuse.
_
Pas de différence entre aujourd'hui et hier, répondit
douloureusement une voix douce.
_
Tu sais, il est acharné comme mec et ce n'est pas dix jours dans les
vapes qui auront raison de lui.
_
Je m'en veux, répondit la jeune femme dans un murmure.
_
Tu ne t'appelles pas Stella Douglas, à ce que je sache ! Donc tant
que tu ne deviens pas aussi tarée, tant que tu n'essayes pas de tuer
James, je crois que tu n'as pas à t'en vouloir.
_
Sirius, je l'ai quand même fait souffrir, tu le sais bien, tu es son
frère !
_
Je ne t'ai pas dit le contraire, mais la situation est vachement
particulière ! Tu l'as dit toi-même dans ta lettre, sans cette
méfiance, rien n'aurait été pareil.
Le
jeune homme essaya de bouger son corps figé. Ce fut un échec total.
Il avait reconnu la voix de Lily et de Sirius et voulait les
rejoindre. Il voulait ouvrir les yeux, serrer la main de Lily et
sortir de ce blizzard noir qui emprisonnait son corps.
_
Bon, petit vif d'or, t'es pâle comme un fantôme. Ça va pas ça,
Corny nous tuera quand il verra qu'on ne t'a pas nourrie. Que veux-tu
? Je vais passer commande aux cuisines. Ah et si tu réponds encore
une fois « je ne veux rien, je ne veux pas manger » je te rapporte
un plat bien dégoûtant et je te forcerais, non mais !
_
Blanc de poulet, espèce de terroriste ! prononça Lily d'une voix
boudeuse.
_
Peut-être mais regarde, on obtient tout comme ça.
_
Mais non voyons, tu sais bien que c'est ton charme irrésistible qui
te fait tout obtenir, répliqua-t-elle, moqueuse.
_
Enfin quelqu'un qui me comprend ! s'exclama la voix de Sirius, à
présent éloignée.
Où
était-il ? Son esprit était embrouillé et les souvenirs se
faisaient fugaces. Il avait du mal à se concentrer sur ses pensées,
ses capacités étaient prises dans un étau étouffant. Une chose
était cependant constante, il voulait sortir de là.
La
chaleur, rafraîchie depuis quelque temps, se mit à diffuser une
agréable sensation qui se propageait sur le poignet. Si James avait
pu, il aurait soupiré d'aise ; avoir ne serait-ce qu'une petite
partie réchauffée de sa peau était une douce délivrance.
_
Je ne sais pas si cela a une quelconque utilité mais je me rends
compte que je ne peux plus m'en passer, souffla Lily d'une petite
voix qu'il imaginait gênée.
Une
petite sensation qu'il ne saurait décrire se fit sentir aux bouts de
ses doigts et il entendit la jeune fille soupirer.
_
Et puis il paraît que ça pourrait t'aider à te stimuler. Je me
doute que tu ne m'entends pas vraiment mais j'ai quand même
l'impression de te parler un peu.
Un
petit moment passa avant qu'elle ne reprenne doucement.
_
Je me rends compte que je regrette de ne pas avoir pris le temps et
le risque. Le temps de te parler, de te connaître avant de te juger
et le risque de combattre les idées véhiculées par mes rêves, de
me laisser faire par mon instinct qui se sentait en sécurité à tes
côtés. Comme je te l'ai dit hier, j'ai du mal à expliquer
rationnellement mes sentiments envers toi. Quand on y réfléchit,
nous avons peut-être cohabité sept ans ensemble mais nous ne sommes
pas vraiment parlés. Je sais qu'il y a de l'attirance, de
l'attraction et ça me perturbe beaucoup de ne pas pouvoir me reposer
sur des bases plus solides. Je sais qu'en temps de Guerre, une sorte
de frénésie du « profitons avant qu'il ne soit trop tard » pousse
beaucoup de gens à se rencontrer, se marier, faire des choix très
vite. Je ne suis pas vraiment à l'aise avec ça et je crois que par
peur de souffrir, j'ai été trop prudente. Regarde maintenant, je
m'en mords les doigts, espérant de toutes mes forces que je pourrais
me rattraper. Et je me rends compte que ce qui me rend le plus
rageuse, c'est de n'avoir pas pu essayer.
Il
n'y a peut-être pas de logique, mais je sais que quelque chose nous
unit, même si je ne te mérite pas.
Je
repense encore beaucoup à cette nuit où j'ai failli y rester, deux
fois, et où toi tu as failli mourir trois fois. Je suis très
perturbée par une chose en particulier. Depuis des années
maintenant, mes rêves ont été malsains. Lorsque tu as commencé à
m'étrangler, je ne cherchais qu'à me débattre. Puis, j'ai
finalement regardé dans le fond de tes yeux vitreux pour voir si tu
avais enfoui toute la haine de ces dernières années et qu'elle
sortait maintenant, en terrible violence. Mais je n'ai vu que des
pupilles en verre, sans expression aucune. Cependant, au bout de
quelques secondes, elles se sont allumées et tu as finalement lâché
mon cou. Je me suis dit que peut-être j'avais réussi à faire
passer mon amour dans mes propres yeux et que ça avait pu te
toucher. Malheureusement, la tête m'a tournée et j'ai sombré dans
une sorte d'état second, m'empêchant de te sauver à mon tour. Et
j'avoue avec des sueurs froides dans le dos que sans le rêve que
j'ai fait, je ne me serais pas réveillée, je ne l'aurais pas
assommée et tu aurais continué à te battre. J'ai encore le son des
cloches qui raisonnent dans ma tête et la sensation de ce vide
immense dans mon corps.
Je
me souviens encore parfaitement de ton visage crispé, recroquevillé
sur cette chaise sur la terrasse d'un phare. Tu souffrais, ça se
voyait clairement et j'ai voulu courir vers toi mais j'étais
entravée par une force inconnue. Les cloches se sont ensuite mises à
sonner, elles remplaçaient la lentille du phare et elles jouaient un
air sinistre. J'ai ensuite vu Stella se tenant au-dessus de ton corps
et là j'ai compris _
je ne sais pas vraiment comment _
que c'était un danger et j'ai pensé à nouveau à tes yeux quand tu
avais arrêté de m'étrangler et je me suis dit, il le fait pour
moi. Ça m'a mise en colère car tu es un ange et il était hors de
question que tu risques ta vie pour moi. Ça m'a fait sortir de ce
rêve et j'ai foncé sur Stella, j'ai pris ce qui me passait sous la
main, le bougeoir de ta table basse et je l'ai assommée. Chancelante
comme tout, je suis ensuite tombée sur elle. Je suis effrayée de
savoir que sans ce rêve, tu ne serais pas là. Je suis effrayée par
mes rêves, ils sont trop puissants et trop étranges. Prédisent-ils
un quelconque avenir ? Me préviennent-ils quand quelqu'un est en
danger ? Était-ce un résidu de la possession de Stella ?
Je
m'en veux de l'avoir rencontrée et de te l'avoir présentée et même
quand j'arrive à me dire qu'elle me manipulait et que je ne pouvais
pas savoir, je m'en veux de ne pas être plus maligne et n'avoir pas
vu clair dans son jeu.
J'ai
remarqué autre chose d'étrange, ma raison, ma réflexion provoque
un sentiment de peur en moi quand je pense à ce qu'il t'arrive et si
tu vas t'en sortir. Contrairement à mon coeur, à qui tu manques
oui, mais mon instinct et mon coeur me disent que tu vas ''bien''.
D'habitude, c'est tout le contraire ! Ton coeur hurle son inquiétude
et ta raison t'aide à ne pas devenir dingue. Pourquoi mon coeur
est-il ''serein'' ? J'ai l'impression d'être monstrueuse. Tout le
monde s'inquiète pour toi, même Stella mais par contre moi, je ne
trouve rien de mieux à faire qu'avoir le fond de mon être qui me
dit que tu vas nous retrouver. Je ne l'avais encore confié à
personne. Pourquoi n'y a-t-il pas ce trou dans ma poitrine comme il y
a dix jours ? Cela veut-il dire qu'il y avait beaucoup plus de danger
cette nuit-là et que par conséquent, tu as plus de chance de t'en
sortir maintenant ? Je l'espère. Mais si c'est vrai, qui suis-je ?
Ai-je des dons ?
Un
long soupir rompit la sorte d'hypnose installée par la longue tirade
de Lily et des bruits de pas se firent entendre peu après.
Le
froid était toujours aussi incrusté dans ses muscles et James
commença à perdre patience. Il n'arrivait pas à comprendre tout ce
que Lily disait mais il avait compris qu'elle lui parlait et qu'elle
prenait soin de lui. Il était fatigué mais ne s'arrêtait pourtant
pas de lutter contre cette force glacée qui le vidait de son énergie
et de sa chaleur. Il ne savait même pas si c'était sa première «
prise de conscience » ou s'il s'était déjà retrouvé dans cet
état et s'était endormi à nouveau, à force d'épuisement.
_
J'espère que tu ne penseras pas que je...profite de toi,
souffla-t-elle d'une voix frêle et si douce à ses oreilles. Mais je
veux le faire, je sens que j'en ai besoin.
Une
vive chaleur rayonna soudainement sur tout le côté gauche de son
corps et un demi-cercle de douceur chaude partait de son coeur et
arrivait à sa joue lui procurant un soulagement intense. Cette
douceur se déplaçait lentement et James espéra très vite qu'elle
ne reparte plus jamais ; il avait l'impression de ne plus s'être
senti aussi vivant depuis une éternité.
_
James... Je t'aime.
Ses
muscles se détendirent peu à peu et il fut parcouru par une
décharge électrique quand la chaleur s'empara de ses lèvres et
déversa une ribambelle de sensations qui semblaient avoir été
anesthésiées depuis qu'il était dans ce blizzard. C'était si
libérateur, il ne pouvait plus s'en passer. Il fallait la retenir,
il serra donc instinctivement sa main gauche pour emprisonner la
chaleur.
Il
entendit un cri féminin puis des pas précipités juste avant que la
chaleur ne s'évapore totalement, laissant un vide immense s'emparer
de lui. Des aiguilles de glace revinrent se planter partout et sa
souffrance reprit de plus belle. Son esprit s'embruma tant qu'il
sentit sa capacité d'écoute réduire, étouffant les sons
extérieurs.
_
Il m'a serré la main ! Je n'ai pas rêvé, ce n'est pas possible !
Dites-moi que je n'ai pas rêvé, je vous en prie !
_
Calmez-vous Miss, que s'est-il passé exactement ? demanda
tranquillement une voix masculine très grave.
_
Et bien...Je lui tenais la main, comme je fais toujours et... j'ai
senti une pression...
_
Sur une échelle de un à cinq, quelle était l'intensité de la
pression ?
_
Je dirais de trois/quatre.
_
S'est-il passé quelque chose de particulier ?
_
Et bien... euh... je...
_
Oui ? l'incita-t-il.
_
Je... J'étais blottie à ses côtés et je l'ai embrassé,
bafouilla-t-elle à toute vitesse.
Un
petit rire suivit les paroles de Lily.
_
Qu'est-ce qui vous fait rire ? demanda-t-elle légèrement outrée.
_
J'hésite entre le fait que vous avez osé me le dire, que vous allez
devoir le refaire pour être sûr que c'est bien ça ou encore que je
travaille jour et nuit sur le cas Potter depuis presque deux semaines
et qu'il y a une probabilité pour que vous soyez le remède, alors
que j'ai testé toutes sortes de soins, complexes et rares.
_
Le refaire... devant vous ?
_
Je sais que c'est embarrassant Miss Evans, dites-vous que c'est pour
la bonne cause.
_
Je comprends, si vraiment vous croyez que ça peut marcher, je ne
peux que prier pour que ce soit vrai.
_
J'ai lancé le sort de l'analyse cérébrale, allez-y, refaites
exactement ce que vous avez fait et moi je suivrais ses réactions
simultanément.
La
chaleur revint doucement et progressivement tout comme le sentiment
de soulagement. À nouveau, le rayonnement au niveau de sa bouche fut
le plus exaltant, provoquant de nombreuses sensations.
_
C'est étonnant, je n'en reviens pas ! s'exclama l'homme. Il est
sorti de la phase de protection, il est dans une des couches
profondes du sommeil. Nous n'espérions même pas arriver à ce
résultat si vite ! Comment faites-vous ça ?
_
Je n'en ai aucune idée, souffla Lily, la voix tremblante de ce qui
lui semblait être de l'émotion.
James
était en train de concentrer ses forces pour serrer sa main, une
nouvelle fois. Il voulait y arriver, il fallait qu'il communique pour
montrer qu'il était conscient ; il voulait sortir de là.
_
Oh Merlin ! Il a bougé la main ! s'exclama-t-elle la voix pleine de
larmes.
_
C'est impressionnant...c'est comme si ses capacités étaient en
veille et qu'il n'attendait que vous pour pouvoir revivre...
_
Tiens bon James, l'encouragea la jeune fille. Je suis là, tu vas y
arriver.
La
chaleur, sa chaleur était toujours présente, augmentant sa force et
son courage ainsi que son espoir. Son audition s'était améliorée
et James distinguait à présent bien mieux les voix et les bruits
qui l'entouraient.
_
Il faudra que nous fassions une analyse de votre magie, Miss Evans.
Vous avez peut-être une compatibilité rare qui permet à celle de
Mister Potter de se nourrir de la vôtre.
_
Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ?! questionna la voix de son
presque frère. Je reviens et qu'est-ce que je vois ? Une
Lily-Pucienne installée sur un James à moitié en train de
l'embrasser et un Doc' qui regarde tout ça... Ai-je atterri dans la
bonne dimension ?
Lily
grogna, certainement à l'entente de son surnom ou alors peut-être
au fait qu'il la surprenne dans cette position.
_
Nous sommes dans la dimension où une jeune fille peut contribuer à
guérir un patient atteint de destruction chimérique qui n'était
ouvert à aucune magie réparatrice. Maintenant il reste à savoir si
c'est psychologique, physique ou magique.
_
Vous pensez vraiment que je l'aide ? demanda Lily avec une sorte
d'espoir dans la voix.
_
Quand j'avais dit que ce mec ferait tout en fonction de cette nana,
soupira Sirius.
_
Oui je le pense, répondit l'homme à la voix grave. Il n'y a pas de
doutes, il n'a jamais été aussi ''éveillé'' et c'est la partie
gauche de son corps et de son cerveau qui semble être la plus
active. N'êtes-vous pas installée sur la gauche, Miss Evans ?
_
C'est de la pure folie et c'est romantique donc c'est du James tout
craché, commenta le jeune Black.
_
Oui Mister Black, je n'en reviens pas non plus. Maintenant, je me dis
que je serais un piètre médicomage et encore plus piètre
spécialiste des songes et de l'inconscient si je ne m'adaptais pas à
la situation. Miss Evans aide Mister Potter, je ne vais sûrement pas
rejeter cette opportunité. Les rêves sont très complexes et
reposent sur l'inconscient, la mentalité, les souvenirs du patient.
Les traumatismes psychiques ont par conséquent une manière d'agir
différente selon les individus.
Un
petit silence suivit cette explication. Le jeune Potter se concentra
à nouveau sur la chaleur qui habitait une partie de lui et fut
soulagé de ne pas la voir disparaître. Malgré le regain d'énergie,
il sentit une autre forme de fatigue l'envahir. Un peu effrayé, il
se demanda si c'était dans la logique des choses ou si c'était ce
qui l'emmènerait vers un endroit dépourvu de ses amis et de sa
Lily.
_
Je vous conseille de rester comme ça pour le moment, Miss Evans. Mon
analyse n'est pas très scientifique mais, pour le moment vous le
guérissez et c'est tout ce qui compte. Nous chercherons à
comprendre comment cela se fait quand nous le pourrons. Je ne
risquerais pas de le faire retomber dans la profondeur de destruction
dans laquelle il était pour juste vous faire une batterie de tests.
_
Pas de souci, je ferais ce qu'il faut pour aider James, répondit la
jeune Gryffondor d'une voix déterminée.
_
C'est encore bibi qui va devoir nourrir la Lily-Pucienne à la
bouche, soupira dramatiquement Sirius.
S'il
s'était souvenu du mode d'emploi pour bouger ses muscles, James
aurait sourit à cette remarque. Il se sentait détendu, c'était
euphorisant. La chaleur le rendait si bien que la fatigue se fit plus
lourde. Avant qu'il ne s'en rende compte, le jeune homme s'y
engouffrait en ayant dans la tête, une fois de plus, sa jolie
dulcinée rousse.
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