James
ouvrit vivement les yeux, une nouvelle fois. Il était étalé au
pied de son lit. Venait-il de vivre un autre rêve ? Le jeune homme
se releva prestement quand son regard se posa sur le corps de Lily.
Les draps étaient poussés dans tous les sens, elle était décoiffée
et d'horribles marques rouges étaient présentes sur son cou. Une
angoisse empoigna ses tripes et il se rapprocha d'elle. Il frôla le
cou de la jeune fille et compara ses doigts aux marques rougeoyantes.
Merlin
! Ce n'était pas qu'un rêve ! Il s'était mis à l'étouffer dans
la réalité ! Tremblant, il s'assura qu'elle était encore vivante
en cherchant son pouls. Il souffla de soulagement quand il sentit la
petite pulsation de son sang sous ses doigts. Cependant, rien n'était
encore gagné, il fallait s'occuper d'elle, la soigner. Il caressa
ses cheveux et murmura un « je te demande pardon... ».
_
Je ne peux plus rien faire pour toi, souffla Stella, la voix
chevrotante. Elle t'a complètement tué. Mon James n'est plus là...
Le
jeune Potter sursauta à l'entente de la voix de sa petite amie et se
retourna vivement. Il plissa les yeux, cherchant à la retrouver dans
la pénombre du dortoir.
_
Tu n'arrives pas à la tuer, tu l'aimes encore ! éclata-t-elle en
sanglots.
Il
grimaça d'horreur. C'était elle ?! La gentille et douce Stella ?
L'innocente Stella ? Sous les traits de « l'enfoiré » se cachait
son visage ?
_
Mais tu vas voir, on va trouver une solution ! Je vais nous aider !
s'écria-t-elle, semblant se reprendre.
James
sentit un souffle sur sa nuque et avant qu'il ait eu le temps de
réagir, une main se posa sur sa nuque et ses jambes fléchirent sous
le poids d'une force inconnue.
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Il
se retrouva assis à une table en fer forgé blanc. Il sirotait une
bierreaubeurre et regardait le soleil se reposer mollement sur le lit
maritime de l'horizon. Le vent tourbillonnait sur la terrasse du
phare, faisant voler ses cheveux. Le jeune homme observa
distraitement le paysage, se demandant ce qu'il pouvait manquer. Car
oui, il manquait un je-ne-sais-quoi qui faisait naître un sentiment
de malaise en lui. Les couleurs étaient vives et son regard
s'attarda sur le bel orange que reflétait l'océan à cause du
soleil couchant. Orange... Comme de l'ocre... De l'ocre roux, même.
Roux ?
Un
éclair de lucidité le frappa soudain et tous les souvenirs
entrèrent à coups de marteau dans sa mémoire. Il se massa les
tempes en gémissant de douleur. Il avait étranglé Lily ! Que
faisait-il là, en haut d'un phare ? Pourquoi Stella avait-elle fait
toutes ces horreurs ? Pourquoi avait-il été si aveugle ?
_
Laisse-moi sortir de ce foutu rêve ! cria-t-il au vent, fou de rage.
Lily a besoin de secours, j'ai failli la tuer !
_
James, pitié ! s'exclama la brune en apparaissant soudain sur la
chaise en face de lui. Ne prononce plus son nom, d'accord ? Nous
allons rester ici jusqu'à la fin de notre vie. C'est fini pour elle.
_
Tu es vraiment atteinte ! Surtout si tu crois que je vais me laisser
faire !
_
Allons James, je sais que tu t'y feras, nous avons tout notre temps.
_
Et comment vas-tu faire, au juste ? rigola-t-il amèrement. Je ne
peux pas dormir éternellement et tu ne peux pas me posséder
éternellement !
_
La perception du temps n'est pas la même dans un rêve que dans la
réalité, répliqua-t-elle tranquillement.
_
Très bien, je vais passer un siècle ici et après ? Je finirais par
me réveiller et on t'enferma à l'asile !
_
Je suis sûre qu'en un siècle j'ai largement le temps de te
convaincre de rester avec moi.
Il
ne perdit pas plus de temps à répondre à ses sottises. Il ne
pouvait pas être sûr de son histoire de perception de temps et le
pouls de Lily, bien qu'existant, était très faible. Elle allait
avoir besoin de soins au plus vite. Il fallait donc la jouer fine.
Peut-être fallait-il qu'il la divertisse ? Elle le maintenait
enfermé mentalement, si elle relâchait son attention, il pourrait
peut-être s'enfuir ? Une chose était sûre, elle ne contrôlait pas
ses pensées, sinon elle l'aurait déjà convaincu. Elle le
maintenait en sommeil et avait peut-être accès à une palette de
ses émotions pour pouvoir créer les situations à sa guise et
l'influencer. Mais tout était faussé par le fait qu'il savait
qu'elle le manipulait. Son esprit était donc beaucoup plus méfiant.
_
Je ne comprends pas Stella, comment as-tu pu en arriver là ? demanda
le jeune homme, espérant afficher une mine de compassion ou au moins
de pitié.
_
James, je t'aime et ce depuis mon plus jeune âge. Peu importe les
moyens, c'est vital pour moi d'être avec toi. Tu es ma seule raison
de vivre. J'ai tout essayé, je me suis faite belle, j'ai essayé de
venir te voir, j'ai essayé de me rendre intéressante.
Malheureusement, quoi que je fasse, tu étais obnubilé par... Il n'y
avait rien à faire ! Alors j'ai commencé à lui ressembler, en la
détestant toujours plus car nous étions si différentes. Il m'a
fallu tant d'effort pour faire comme elle, tant de patience pour lui
faire croire que je l'appréciais, tant de temps pour rassembler les
morceaux de sa vie et comprendre sa logique, comprendre comment la
détruire, comment l'utiliser, la manipuler...
James
serra les poings mais ne pipa mot. Ce n'était pas lui qui devait se
déconcentrer.
_
Et malgré tout ça, reprit-elle, je ne t'intéressais toujours pas.
J'ai bien compris que j'aurais ce que je voulais uniquement si elle,
elle n'existait plus dans ta vie. Et les Dieux étaient avec moi car
j'ai acquis un don et j'ai appris à le maîtriser. J'ai d'abord
utilisé ma capacité pour faire en sorte qu'elle se méfie de toi.
Et ça avait marché ! Mais vos saletés de sentiments ont l'air
d'être forts puisqu'elle a tenté de revenir vers toi cette année !
Je la haïssais tellement d'avoir survécu au mal-être que j'avais
fait naître en elle que j'eus envie de la détruire de l'intérieur.
Il ne fallait pas qu'elle n'existe plus dans ta vie, il fallait
qu'elle soit complètement rayée du monde !
Le
jeune Potter n'ouvrit toujours pas la bouche mais ne put s'empêcher
de souffler dédaigneusement.
_
Sais-tu ce que c'est d'être celle qui ne sera jamais aimée ?
répliqua Douglas, piquée au vif. J'ai essayé de devenir votre
amie, à toi et aux Maraudeurs, même s'il n'y a que toi qui
m'intéresses. J'avais presque réussi ! J'étais acceptée dans
votre groupe, tu m'aimais ou tout du moins tu allais le faire et il a
fallu qu'elle fasse son intéressante ! Madame a joué la pauvre
petite chérie suicidaire ! Comment peux-tu aimer cette horreur ?
_
Peut-être parce qu'elle n'est pas prête à tuer pour sortir avec
moi !
_
Tu devrais plutôt être touché de ma preuve d'amour, James.
Regarde, là encore, je m'épuise à nous faire rester dans ce bel
endroit et ce pour un siècle. C'est dur pour moi, ça va m'ôter
toute énergie mais je m'en fiche, je m'en suis toujours fichue, tant
que tu m'aimes ou que je sais que tu vas le faire.
_
Mais Stella, je ne t'aime pas ! explosa-t-il. Ta manière de faire me
révulse ! Et tu veux que je te dise le plus moche dans tout ça ? Le
plus moche pour toi ? Je suis sorti avec toi parce que je pensais que
tu étais une gentille fille avec un bon fond. Tu m'aurais vraiment
écouté ce soir, tu aurais vu que malgré tout, par respect, je ne
t'aurais pas trompée, ni larguée ! La fille que je pensais que tu
étais ne méritait certainement pas d'être traitée comme une
remplaçante ou un bouche-trou ! OUI, mon coeur aurait brûlé pour
Evans, mais je t'aurais respectée ! Tu dis m'aimer mais tu es
aveuglée par l'idée que tu te fais de moi ! Au fond, si tu m'aimais
tant que ça, tu me laisserais être heureux, quoiqu'il en retourne
et surtout, surtout, tu me connaîtrais assez pour savoir que je suis
un homme respectable et que je ne t'aurais pas fait souffrir
volontairement !
_
TAIS-TOI ! hurla la jeune brune, tremblante. Je veux que ton coeur
brûle de désir de me toucher, de m'embrasser !
_
J'aurais pu Stella, j'aurais pu t'aimer avec le temps, si tu avais
été une gentille fille ! Mais là, c'est fini ! Je n'ai plus de
tendresse pour toi, tu as fait des choses impardonnables ! Tu haïs
Lily parce qu'elle me transforme, parce qu'elle me fait du mal ?
Comment crois-tu que j'aurais été si je l'avais tuée ? Te rends-tu
compte du fardeau que j'aurais porté pour le restant de mes jours ?
Est-ce ça ton amour, Stella ? Est-ce que me faire souffrir te fait
plaisir ?
Malgré
la raideur de son dos, la jeune Gryffondor laissait des larmes
silencieuses couler. Elle semblait tremblante et frêle ; James vit
dans ce geste un signe de déstabilisation. C'était le moment
d'agir, il ne savait pas trop comment s'y prendre, mais il sentait
une sorte de force intruse près de lui. Il avait essayé de
l'appréhender pendant qu'il parlait avec elle et allait maintenant
essayer de l'extraire de son esprit. Le jeune homme ne savait pas
s'il allait correctement s'y prendre et les contours de cette force
étaient encore très flous. Il réfléchissait à toute vitesse.
C'était un combat risqué. Il avait lu, s'était documenté et
savait que tant que son esprit ne se rendait pas compte de
l'intrusion dans sa tête, le système réagissait normalement. À
partir du moment où son cerveau se rendait compte qu'on le
contrôlait, le corps se défendait contre un intrus et le
détruisait, coûte que coûte. Il comprenait pourquoi Dumbledore
avait voulu cacher la possession de ses rêves à Lily. Cependant, en
le sachant, James avait pu la sauver d'un suicide et d'un
étranglement. Bien que pour la dernière tentative, l'échec ne
tenait qu'au fait que Stella lui ait grossièrement ordonné de la
tuer, avec une haine qui n'était pas la sienne. Il aurait tué Lily
sans réfléchir. Cette dernière pensée le reconnecta à la «
réalité », il fallait tenter le tout pour le tout, Lily était
encore fragile.
James
ferma alors les yeux et commença à monter un mur mental, brique par
brique. Il reprenait la méthode apprise dans des livres de
légilimancie. Il continuait d'agrandir le mur en vérifiant la
solidité des blocs précédents, étape par étape.
_
Je peux savoir ce que tu fais ?! demanda Stella vivement. Je ne te
laisserais pas partir, tu m'entends !
Une
douleur se créa au niveau de ses tempes et il eut du mal à rester
concentré sur l'image de son mur.
_
C'est... comme ça... que tu... m'aimes... Stella ? souffla-t-il
difficilement.
_
C'est une sorcière ! Elle t'a droguée, tu ne peux même pas t'en
passer ! Tu vas rester ici James, tu verras, ça ira mieux. Je vais
te soigner, maintenant arrête de me repousser.
Il
ne l'écouta pas et continua à construire son mur, créant une
deuxième épaisseur. Une sorte de lourdeur s'installa dans le bas de
ses jambes et le Maraudeur se rendit compte qu'il ne pouvait plus
bouger. Il ne s'y attarda cependant pas, concentrant toutes ses
forces sur la construction de son rempart.
_
James...
La
pression autour de ses tempes s'accentua et se propagea sur le devant
du crâne, créant une horrible pression. Il perdit le fil de sa
construction et préféra s'assurer de la solidité de ses briques.
Pendant la vérification, la lourdeur gagna ses genoux et James
commença à se demander ce qu'était cette chose.
_
C'est ton esprit qui est en train de tout effacer, l'informa-t-elle
posément. Plus tu te défends, plus tu perds. Il ne supporte plus le
combat que nous menons.
Le
jeune homme accéléra le placement de ses briques sans s'arrêter,
étant à sa troisième épaisseur. Il avait l'impression que sa tête
allait exploser à tout moment. Il y avait tant de pression au niveau
de son crâne, c'était insupportable. Était-on en train de lui
broyer la tête ?
James
était à deux doigts de lâcher quand subitement, tout s'arrêta. Il
s'écroula en haletant fortement. La torture qu'on lui infligeait
depuis un temps _
et qui lui semblait infini _
avait disparu, tout comme Stella. Le paysage du phare avait été
englouti par un sombre néant.
Dans
ce calme retrouvé, il eut le loisir de remarquer qu'une sensation
désagréable ne s'était pas évaporée malgré l'arrêt du broyage
de son crâne. La lourdeur gagnait même du terrain. Il ne restait
plus que sa tête qui pouvait bouger. Était-ce Stella qui
expérimentait une autre technique de torture ?
Il
n'eut pas le temps de se poser plus de question. La force l'enveloppa
dans son entièreté et James sombra dans les ténèbres.
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