mercredi 6 février 2013

Chapitre 20 - Une certaine vision des choses


James ouvrit vivement les yeux, une nouvelle fois. Il était étalé au pied de son lit. Venait-il de vivre un autre rêve ? Le jeune homme se releva prestement quand son regard se posa sur le corps de Lily. Les draps étaient poussés dans tous les sens, elle était décoiffée et d'horribles marques rouges étaient présentes sur son cou. Une angoisse empoigna ses tripes et il se rapprocha d'elle. Il frôla le cou de la jeune fille et compara ses doigts aux marques rougeoyantes.

Merlin ! Ce n'était pas qu'un rêve ! Il s'était mis à l'étouffer dans la réalité ! Tremblant, il s'assura qu'elle était encore vivante en cherchant son pouls. Il souffla de soulagement quand il sentit la petite pulsation de son sang sous ses doigts. Cependant, rien n'était encore gagné, il fallait s'occuper d'elle, la soigner. Il caressa ses cheveux et murmura un « je te demande pardon... ».

          _ Je ne peux plus rien faire pour toi, souffla Stella, la voix chevrotante. Elle t'a complètement tué. Mon James n'est plus là...

Le jeune Potter sursauta à l'entente de la voix de sa petite amie et se retourna vivement. Il plissa les yeux, cherchant à la retrouver dans la pénombre du dortoir.

          _ Tu n'arrives pas à la tuer, tu l'aimes encore ! éclata-t-elle en sanglots.

Il grimaça d'horreur. C'était elle ?! La gentille et douce Stella ? L'innocente Stella ? Sous les traits de « l'enfoiré » se cachait son visage ?

          _ Mais tu vas voir, on va trouver une solution ! Je vais nous aider ! s'écria-t-elle, semblant se reprendre.

James sentit un souffle sur sa nuque et avant qu'il ait eu le temps de réagir, une main se posa sur sa nuque et ses jambes fléchirent sous le poids d'une force inconnue.

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Il se retrouva assis à une table en fer forgé blanc. Il sirotait une bierreaubeurre et regardait le soleil se reposer mollement sur le lit maritime de l'horizon. Le vent tourbillonnait sur la terrasse du phare, faisant voler ses cheveux. Le jeune homme observa distraitement le paysage, se demandant ce qu'il pouvait manquer. Car oui, il manquait un je-ne-sais-quoi qui faisait naître un sentiment de malaise en lui. Les couleurs étaient vives et son regard s'attarda sur le bel orange que reflétait l'océan à cause du soleil couchant. Orange... Comme de l'ocre... De l'ocre roux, même. Roux ?

Un éclair de lucidité le frappa soudain et tous les souvenirs entrèrent à coups de marteau dans sa mémoire. Il se massa les tempes en gémissant de douleur. Il avait étranglé Lily ! Que faisait-il là, en haut d'un phare ? Pourquoi Stella avait-elle fait toutes ces horreurs ? Pourquoi avait-il été si aveugle ?

          _ Laisse-moi sortir de ce foutu rêve ! cria-t-il au vent, fou de rage. Lily a besoin de secours, j'ai failli la tuer !
          _ James, pitié ! s'exclama la brune en apparaissant soudain sur la chaise en face de lui. Ne prononce plus son nom, d'accord ? Nous allons rester ici jusqu'à la fin de notre vie. C'est fini pour elle.
          _ Tu es vraiment atteinte ! Surtout si tu crois que je vais me laisser faire !
          _ Allons James, je sais que tu t'y feras, nous avons tout notre temps.
          _ Et comment vas-tu faire, au juste ? rigola-t-il amèrement. Je ne peux pas dormir éternellement et tu ne peux pas me posséder éternellement !
          _ La perception du temps n'est pas la même dans un rêve que dans la réalité, répliqua-t-elle tranquillement.
          _ Très bien, je vais passer un siècle ici et après ? Je finirais par me réveiller et on t'enferma à l'asile !
          _ Je suis sûre qu'en un siècle j'ai largement le temps de te convaincre de rester avec moi.

Il ne perdit pas plus de temps à répondre à ses sottises. Il ne pouvait pas être sûr de son histoire de perception de temps et le pouls de Lily, bien qu'existant, était très faible. Elle allait avoir besoin de soins au plus vite. Il fallait donc la jouer fine. Peut-être fallait-il qu'il la divertisse ? Elle le maintenait enfermé mentalement, si elle relâchait son attention, il pourrait peut-être s'enfuir ? Une chose était sûre, elle ne contrôlait pas ses pensées, sinon elle l'aurait déjà convaincu. Elle le maintenait en sommeil et avait peut-être accès à une palette de ses émotions pour pouvoir créer les situations à sa guise et l'influencer. Mais tout était faussé par le fait qu'il savait qu'elle le manipulait. Son esprit était donc beaucoup plus méfiant.

          _ Je ne comprends pas Stella, comment as-tu pu en arriver là ? demanda le jeune homme, espérant afficher une mine de compassion ou au moins de pitié.
          _ James, je t'aime et ce depuis mon plus jeune âge. Peu importe les moyens, c'est vital pour moi d'être avec toi. Tu es ma seule raison de vivre. J'ai tout essayé, je me suis faite belle, j'ai essayé de venir te voir, j'ai essayé de me rendre intéressante. Malheureusement, quoi que je fasse, tu étais obnubilé par... Il n'y avait rien à faire ! Alors j'ai commencé à lui ressembler, en la détestant toujours plus car nous étions si différentes. Il m'a fallu tant d'effort pour faire comme elle, tant de patience pour lui faire croire que je l'appréciais, tant de temps pour rassembler les morceaux de sa vie et comprendre sa logique, comprendre comment la détruire, comment l'utiliser, la manipuler...

James serra les poings mais ne pipa mot. Ce n'était pas lui qui devait se déconcentrer.

          _ Et malgré tout ça, reprit-elle, je ne t'intéressais toujours pas. J'ai bien compris que j'aurais ce que je voulais uniquement si elle, elle n'existait plus dans ta vie. Et les Dieux étaient avec moi car j'ai acquis un don et j'ai appris à le maîtriser. J'ai d'abord utilisé ma capacité pour faire en sorte qu'elle se méfie de toi. Et ça avait marché ! Mais vos saletés de sentiments ont l'air d'être forts puisqu'elle a tenté de revenir vers toi cette année ! Je la haïssais tellement d'avoir survécu au mal-être que j'avais fait naître en elle que j'eus envie de la détruire de l'intérieur. Il ne fallait pas qu'elle n'existe plus dans ta vie, il fallait qu'elle soit complètement rayée du monde !

Le jeune Potter n'ouvrit toujours pas la bouche mais ne put s'empêcher de souffler dédaigneusement.

          _ Sais-tu ce que c'est d'être celle qui ne sera jamais aimée ? répliqua Douglas, piquée au vif. J'ai essayé de devenir votre amie, à toi et aux Maraudeurs, même s'il n'y a que toi qui m'intéresses. J'avais presque réussi ! J'étais acceptée dans votre groupe, tu m'aimais ou tout du moins tu allais le faire et il a fallu qu'elle fasse son intéressante ! Madame a joué la pauvre petite chérie suicidaire ! Comment peux-tu aimer cette horreur ?

          _ Peut-être parce qu'elle n'est pas prête à tuer pour sortir avec moi !
          _ Tu devrais plutôt être touché de ma preuve d'amour, James. Regarde, là encore, je m'épuise à nous faire rester dans ce bel endroit et ce pour un siècle. C'est dur pour moi, ça va m'ôter toute énergie mais je m'en fiche, je m'en suis toujours fichue, tant que tu m'aimes ou que je sais que tu vas le faire.
          _ Mais Stella, je ne t'aime pas ! explosa-t-il. Ta manière de faire me révulse ! Et tu veux que je te dise le plus moche dans tout ça ? Le plus moche pour toi ? Je suis sorti avec toi parce que je pensais que tu étais une gentille fille avec un bon fond. Tu m'aurais vraiment écouté ce soir, tu aurais vu que malgré tout, par respect, je ne t'aurais pas trompée, ni larguée ! La fille que je pensais que tu étais ne méritait certainement pas d'être traitée comme une remplaçante ou un bouche-trou ! OUI, mon coeur aurait brûlé pour Evans, mais je t'aurais respectée ! Tu dis m'aimer mais tu es aveuglée par l'idée que tu te fais de moi ! Au fond, si tu m'aimais tant que ça, tu me laisserais être heureux, quoiqu'il en retourne et surtout, surtout, tu me connaîtrais assez pour savoir que je suis un homme respectable et que je ne t'aurais pas fait souffrir volontairement !
          _ TAIS-TOI ! hurla la jeune brune, tremblante. Je veux que ton coeur brûle de désir de me toucher, de m'embrasser !
          _ J'aurais pu Stella, j'aurais pu t'aimer avec le temps, si tu avais été une gentille fille ! Mais là, c'est fini ! Je n'ai plus de tendresse pour toi, tu as fait des choses impardonnables ! Tu haïs Lily parce qu'elle me transforme, parce qu'elle me fait du mal ? Comment crois-tu que j'aurais été si je l'avais tuée ? Te rends-tu compte du fardeau que j'aurais porté pour le restant de mes jours ? Est-ce ça ton amour, Stella ? Est-ce que me faire souffrir te fait plaisir ?

Malgré la raideur de son dos, la jeune Gryffondor laissait des larmes silencieuses couler. Elle semblait tremblante et frêle ; James vit dans ce geste un signe de déstabilisation. C'était le moment d'agir, il ne savait pas trop comment s'y prendre, mais il sentait une sorte de force intruse près de lui. Il avait essayé de l'appréhender pendant qu'il parlait avec elle et allait maintenant essayer de l'extraire de son esprit. Le jeune homme ne savait pas s'il allait correctement s'y prendre et les contours de cette force étaient encore très flous. Il réfléchissait à toute vitesse. C'était un combat risqué. Il avait lu, s'était documenté et savait que tant que son esprit ne se rendait pas compte de l'intrusion dans sa tête, le système réagissait normalement. À partir du moment où son cerveau se rendait compte qu'on le contrôlait, le corps se défendait contre un intrus et le détruisait, coûte que coûte. Il comprenait pourquoi Dumbledore avait voulu cacher la possession de ses rêves à Lily. Cependant, en le sachant, James avait pu la sauver d'un suicide et d'un étranglement. Bien que pour la dernière tentative, l'échec ne tenait qu'au fait que Stella lui ait grossièrement ordonné de la tuer, avec une haine qui n'était pas la sienne. Il aurait tué Lily sans réfléchir. Cette dernière pensée le reconnecta à la « réalité », il fallait tenter le tout pour le tout, Lily était encore fragile.

James ferma alors les yeux et commença à monter un mur mental, brique par brique. Il reprenait la méthode apprise dans des livres de légilimancie. Il continuait d'agrandir le mur en vérifiant la solidité des blocs précédents, étape par étape.

          _ Je peux savoir ce que tu fais ?! demanda Stella vivement. Je ne te laisserais pas partir, tu m'entends !

Une douleur se créa au niveau de ses tempes et il eut du mal à rester concentré sur l'image de son mur.

          _ C'est... comme ça... que tu... m'aimes... Stella ? souffla-t-il difficilement.
          _ C'est une sorcière ! Elle t'a droguée, tu ne peux même pas t'en passer ! Tu vas rester ici James, tu verras, ça ira mieux. Je vais te soigner, maintenant arrête de me repousser.

Il ne l'écouta pas et continua à construire son mur, créant une deuxième épaisseur. Une sorte de lourdeur s'installa dans le bas de ses jambes et le Maraudeur se rendit compte qu'il ne pouvait plus bouger. Il ne s'y attarda cependant pas, concentrant toutes ses forces sur la construction de son rempart.

          _ James...

La pression autour de ses tempes s'accentua et se propagea sur le devant du crâne, créant une horrible pression. Il perdit le fil de sa construction et préféra s'assurer de la solidité de ses briques. Pendant la vérification, la lourdeur gagna ses genoux et James commença à se demander ce qu'était cette chose.

          _ C'est ton esprit qui est en train de tout effacer, l'informa-t-elle posément. Plus tu te défends, plus tu perds. Il ne supporte plus le combat que nous menons.

Le jeune homme accéléra le placement de ses briques sans s'arrêter, étant à sa troisième épaisseur. Il avait l'impression que sa tête allait exploser à tout moment. Il y avait tant de pression au niveau de son crâne, c'était insupportable. Était-on en train de lui broyer la tête ?

James était à deux doigts de lâcher quand subitement, tout s'arrêta. Il s'écroula en haletant fortement. La torture qu'on lui infligeait depuis un temps           _ et qui lui semblait infini           _ avait disparu, tout comme Stella. Le paysage du phare avait été englouti par un sombre néant.

Dans ce calme retrouvé, il eut le loisir de remarquer qu'une sensation désagréable ne s'était pas évaporée malgré l'arrêt du broyage de son crâne. La lourdeur gagnait même du terrain. Il ne restait plus que sa tête qui pouvait bouger. Était-ce Stella qui expérimentait une autre technique de torture ?

Il n'eut pas le temps de se poser plus de question. La force l'enveloppa dans son entièreté et James sombra dans les ténèbres.

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