mercredi 6 février 2013

Chapitre 19 - Une certaine vision des choses


Il faisait le sprint de sa vie. Une désagréable sensation de déjà-vu le tenaillait et il savait que c'était à cause de son rêve. Dans ses songes, Lily mourait. Il ne pouvait pas prédire une chose si monstrueuse, ce n'était pas possible ! L'air frais s'engouffra dans ses poumons et l'herbe mouillée ralentissait sa course. Il ne raisonnait plus, il se concentrait pour courir, le lac n'était plus très loin. C'était malheureusement une nuit sans lune, très sombre et il ne distinguait pas grand-chose. Il souffla « Lumos ! » à toute vitesse et vit enfin une silhouette se dessiner à une dizaine de mètres de lui.

La silhouette coula dans l'eau noire et disparut de la surface. Le jeune homme hurla de toutes ses forces et accéléra sa course pour plonger à son tour dans l'eau froide. Son cœur battait à une allure folle et il devait se calmer s'il voulait réussir le sort de la bulle d'oxygène. Le corps d'Evans coulait vers les profondeurs du lac, il fallait se dépêcher. Il fit le vide dans son esprit le plus rapidement possible et créa l'air autour de son visage. James prit une grande inspiration et se rua vers le fond du lac à toute allure. Après quelques longues secondes, il la rattrapa et tendit désespérément le bras pour agripper le sien. Il fut soulagé de voir qu'elle réagissait encore mais il s'étonna de la voir se débattre. Il fallait qu'elle arrête de gesticuler s'il voulait pouvoir détruire les chaînes et le poids qui les faisait couler tous les deux ; la magie d'Evans se débattait autant que son corps. Même aux portes de la mort, cette fichue tigresse trouvait encore le moyen de se rebeller, il grogna et se décida en un éclair.

Il prit sa tête entre ses mains et l'embrassa passionnément. Ce geste eut le don de l'immobiliser et il en profita pour détruire les poids qui les entraînaient vers la Fin. Il souffla de soulagement, heureux que sa diversion ait fonctionné, il savait que l'air diminuait et qu'il n'aurait pas eu assez de force magique pour recréer une autre bulle d'oxygène. Il était aussi rassuré de savoir qu'elle avait pu les accueillir tous les deux, après tout, il ne connaissait pas la limite de ce sort ; il avait laissé son instinct le contrôler. Le jeune Potter fit remonter la jeune fille tout en gardant sa joue collée contre la sienne, pour qu'elle puisse respirer.

Il la coucha rapidement sur l'herbe et vérifia qu'elle était encore consciente. Elle semblait surprise de le trouver là. Lui aussi aurait pu être surpris, il ne pensait pas avoir affaire à Evans avant longtemps.

          _ Espèce d'idiote ! hurla-t-il, fou d'inquiétude.

          _ Pourquoi t'as fait ça ! répondit Evans sur le même ton, recommençant à gesticuler. Je ne...

Il mit la main sur la bouche et souffla, la respiration saccadée :

          _ Tu vas m'écouter maintenant. Tu n'es pas un monstre, tu es juste stupide ! Ce ne sont pas TES rêves, tu es possédée Evans, par quelqu'un qui a le don du « somnia potestatem », il peut te faire rêver de ce qu'il veut et ainsi, agir sur ton inconscient. Evans, écoute, tu ne prends aucun plaisir à tuer tes parents, d'accord ? Tu as juste un taré à tes trousses ! Je le sais depuis notre bai... moment au parc, tu t'es évanouie et je t'ai emmenée à l'infirmerie, tu as une marque profonde sur la tempe, elle est noire et elle s'étend même jusqu'à ta joue maintenant, tu la dissimules avec un sort ! Alors, tu crois toujours que je mens ?! Je le vois dans tes yeux ! Allons raisonne-toi, je n'ai pas que ça à faire, je ne vais pas te sauver d'un suicide pour te faire croire que tu n'es pas monstrueuse si tu l'es vraiment. Si j'ai gardé le secret c'est parce que tu risquais de ne plus vouloir dormir ou pire encore, vouloir te battre dans ton sommeil et tu aurais pu en mourir ! Seulement, j'étais à mille lieues de penser que tu serais aussi en danger de mort en ignorant tout. Je n'en reviens pas que tu n'y aies pas pensé, tu es pourtant futée !

Peut-être était-il un peu dur. Il s'en voulait déjà, mais il était en colère de s'être tant inquiété. Il se devait de la sauver bien sûr, mais il n'était pas obligé de vouloir la prendre dans ses bras en cet instant où elle avait les yeux remplis de larmes, le corps froid et trempé, la peau pâle et le souffle contre sa main. Il décida d'ailleurs de l'enlever rapidement de sa bouche.

Il voyait bien dans ses yeux qu'elle n'y croyait pas, elle le regardait avec cette admiration, elle ne prenait apparemment plus le soin de cacher ce qu'elle ressentait pour lui. Mais il ne voyait aucune lueur de soulagement, juste de la gratitude et de la...tendresse, oui c'était de la tendresse, rien d'autre.

          _ Écoute, tu demanderas à Stella, Remus, Peter, Sirius, Pomfresh et Dumbledore. Tu verras qu'ils te diront tous la même chose. Certains sont plus au courant que d'autres, mais ils sont tous persuadés que tu es possédée.

          _ Même si tu dis la vérité, souffla-t-elle faiblement, je n'en peux plus James. Je suis si fatiguée...

Il soupira. Sa réaction était logique, cela faisait trois ans qu'un monstre la torturait, les blessures profondes qu'il avait laissées dans son inconscient ne disparaîtraient peut-être jamais.

James l'aida à se relever et ils rentrèrent au château puis se dirigèrent vers la Tour Gryffondor. Elle était plus froide que du marbre, il fallait la réchauffer. Il aurait bien voulu la réchauffer à l'aide d'un sort, mais il sentait bien qu'il avait épuisé ses réserves magiques en détruisant les lourds maillons qui avaient enchaîné la jeune étudiante et en préservant une sphère d'oxygène pendant quelques longues minutes.

Une fois le portrait de la Grosse Dame passé, James l'installa sur le sofa, à l'endroit précis où il avait été il y a quelque temps. Il était encore sous le choc de ce qui venait de se passer. Il avait failli perdre Lily Evans. Cette simple phrase fit remonter des frissons d'angoisse jusque dans sa nuque. C'est sûr qu'il lui en voulait, mais il ne s'imaginait pas ne plus jamais pouvoir lui parler. Ça le glaçait. 

          _ Vas-tu le garder ? demanda-t-elle d'une voix timide et fatiguée.

          _ Pardon ?

          _ Eh bien...

Si elle n'avait pas été aussi pâle, elle aurait sûrement rougi. Evans pointa d'un doigt tremblant le collier en argent avec le pendentif en vif d'or.

          _ Je ne sais pas, répondit-il rudement.

Elle ne parla plus et baissa les yeux, honteuse.

          _ James ! Te voilà enfin !

Le Gryffondor releva la tête pour voir Sirius et Remus entrer dans la pièce.

          _ On te cherchait partout, Peter a essayé de calmer Stella, je te dis pas le sang d'encre qu'elle se faisait ! poursuivit Remus.

          _ Pourquoi êtes-vous mouillé, tous les deux ? demanda le beau Black avec étonnement.

James jeta un regard à la jeune femme à côté de lui qui n'avait pas encore relevé la tête, mais qui s'était crispée à l'entente de la question.

          _ Elle a tenté de se suicider, souffla-t-il à sa place.

          _ Qu...Quoi ?! s'exclamèrent-ils, choqués.

          _ À cause de ses cauchemars, poursuivit-il pour éclaircir la situation, elle pense fabriquer les rêves toute seule, elle est persuadée qu'elle est l'auteur de ces atrocités.

Remus s'approcha lentement et vint s'asseoir à côté d'elle. Il passa doucement sa main dans son dos, d'un geste réconfortant puis souffla :

          _ C'était donc ça, ce dégoût que je ressentais en restant présent auprès de toi. Tu as honte de toi, énormément.

Lily hocha faiblement la tête pendant que Sirius venait s'installer à ses pieds, la regardant avec tristesse et désolation.

          _ Comment as-tu su qu'elle tentait de le faire, elle t'a prévenu ? questionna finalement ce dernier, fronçant les sourcils de réflexion.

          _ Non. Elle a écrit une lettre à l'intention de tout le monde, j'ai eu de la chance de me réveiller certainement pas longtemps après qu'elle l'ait déposée sur la table basse.

          _ Nous autorises-tu à la lire ? J'aimerais mieux comprendre, demanda doucement le lycanthrope.

          _ Seulement vous deux, alors, murmura-t-elle.

Les visages des deux Maraudeurs se firent de plus en plus graves à mesure de l'avancement de leur lecture et James se demanda vaguement quelle tête avait-il fait en lisant ses mots. Il était encore dans un état second, mais il savait que cette confession écrite sur parchemin chamboulait tout ce qu'il avait cru depuis des années. Il ne comprenait que plus Evans, qui devait ressentir la même chose, plus intensément encore ; lui aussi lui avait avoué des choses qui changeaient la donne.

          _ Je ne te plaindrais pas, je sais que cela te gênait car tu n'es pas convaincu de ton innocence, de l'explication de James, mais je tiens à te dire que tu n'as jamais été monstrueuse à mes yeux et tu sais parfaitement que les monstres, c'est mon rayon, commenta tranquillement Remus à la fin de la lecture.

Ce mec était si doué pour rassurer les gens. James ne l'en admira que plus. Lui, il avait seulement eu la stupidité de la traiter d'idiote.

          _ Moi, mon rayon c'est les nanas, ajouta Sirius, et je peux te dire que tu n'as pas le profil de la folle psychopathe.

La jeune Evans se mit à sourire pauvrement aux garçons. Elle ne devait pas arriver à faire mieux.

          _ Tu devrais aller te reposer, tu es exténuée.

Elle se raidit violemment et secoua la tête de gauche à droite.

          _ Écoute Evans, je sais ce que tu crains. Mais on va monter la garde, d'accord ? Je me suis renseigné sur ses méthodes, il doit absolument te toucher pour faire quoi que ce soit. Si on est là, il ne t'arrivera rien, d'accord ?

          _ Ok, souffla-t-elle, visiblement angoissée.

Ils l'aidèrent à la lever du canapé moelleux quand deux autres personnes entrèrent dans la pièce. James se retourna et découvrit Stella et Peter.

          _ Hey James, que fais-tu ? s'exclama cette dernière, logiquement étonnée de le retrouver dans la même pièce qu'Evans, à cette heure de la nuit.

          _ Evans a eu un...souci, un gros souci, elle a besoin de moi...de nous.

          _ Qu...Quoi ? Mais, pourquoi ?

          _ Parce qu'elle ne peut pas dormir sans surveillance, tu sais bien qu'un taré est à ses trousses !

Elle fronça les sourcils et soupira.

          _ Et moi alors, demanda-t-elle en changeant d'expression, j'existe, moi !

          _ Stella, soupira James, ce n'est que pour ce soir, d'accord ?

          _ Moi aussi j'ai besoin de toi pour dormir, je te l'ai déjà dit !

          _ Ce n'est pas pareil, tenta-t-il.

          _ Ça veut dire quoi, ça ?

Des larmes apparurent aux bords de ses yeux et James se sentit mal à l'aise. Avait-il tort d'aider Evans, alors qu'elle venait de tenter de mettre fin à sa vie ?

          _ Ne fais pas l'enfant, s'il te plaît.

          _ De toute façon, ce sera toujours elle, hein ?

Le jeune homme fut désarçonné par cette remarque. Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle s'était déjà enfuie. Devait-il la rattraper ?

          _ Laisse James, répondit Sirius à sa question muette, t'es crevé, la discussion ne pourra qu'être pourrie, attends de t'être reposé. Sinon tes nerfs vont lâcher.

 Les Maraudeurs montèrent donc en compagnie de Lily. Ils installèrent la jeune femme dans le lit de James et la bordèrent gentiment. Peter partit se coucher et les trois autres s'assirent au pied du lit.

          _ J'ai encore froid, souffla la jeune fille après quelques minutes.

Ils se regardèrent tous les trois et un sourire malicieux étira les lèvres du jeune Black.

          _ James va venir te réchauffer !

Le fameux James jeta un regard noir à son traître d'ami ; la situation était assez compliquée comme ça, sans en rajouter. Dire qu'il n'en avait pas envie serait un mensonge éhonté, cependant, par respect pour Stella et par crainte de voir une blessure à vif s'ouvrir un peu plus, il était obligé de montrer tout le contraire.

          _ Ce n'est pas la peine de me faire ce regard, tu n'as aucune excuse. Tu viens de vivre quelque chose d'éprouvant, tu es mort de fatigue. Et il vaut mieux que vous soyez dans le même lit pour que Remus et moi puissions vous surveiller sans nous éparpiller.

L'étudiant à lunettes poussa un grognement alors que Lupin et Black souriaient, fiers d'eux. Andouilles de Maraudeurs qui avaient raison !

Il ne leur tint donc pas plus tête et s'installa dans les draps frais, contre le corps de Lily. Il plaça ses bras autour de ses siens et frotta doucement pour la réchauffer. Il créa de petits frissons sur sa peau et son coeur manqua un battement. Son coeur à elle semblait battre sereinement, sa respiration était régulière et légère. Il ferma les yeux et respira le parfum des cheveux de la jeune fille. Ce que ça lui avait manqué, bon sang. Maintenant qu'il savait qu'elle était amoureuse de lui, une nouvelle dimension s'ajoutait à sa vision des choses. Pouvait-on vraiment avoir de mauvaises intentions quand on aimait quelqu'un ? Non. Pouvait-on mentir dans une lettre de suicide, étant persuadée de n'être plus là quand les gens apprendraient la vérité ? Non plus. Il fallait qu'il s'y fasse, Lily était amoureuse de lui et elle l'avait remarqué dès les premières années. Trois ans de la vie de cette douce Gryffondor avait été gâchés et par extension, trois de ses années aussi. Il se laissa rêver et se mit à imaginer le bonheur d'avoir été avec elle dès ses quatorze ans. Le sommeil l'emporta alors.

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Le ciel était d'un bleu éclatant, ne laissant aucune place aux nuages. Le soleil cognait fort mais il adorait ça. Le gravier faisait un petit bruit serein sous ses pas et James continua à marcher, insouciant et heureux. Un rire lui fit tourner la tête et il remarqua Lily, magnifiquement rieuse, un chapeau de paille offrant une ombre à son visage. Même sous cette ombre, son visage était lumineux, ses yeux brillaient de malice et son sourire étincelait tout. Il accentua la pression de ses doigts entrelacés aux siens et il ne cessa de se promener tranquillement avec elle. Une rivière bordait un côté du petit chemin, offrant une autre palette de sons agréables.

Soudain, un voile rouge recouvra sa vue et une haine naquit au creux de son être. D'où venait-elle ? Il ne savait bien, mais elle était dirigée vers Lily. Elle était insupportable, tout d'un coup. Pourquoi lui tenait-il la main ? Il retira vivement son bras et la frappa, la faisant tomber à terre. Elle le rendait fou de rage.

          _ Je te hais ! hurla-t-il. J'ai envie de te tuer pour tout ce que tu m'as fait !

Il s'accroupit à sa hauteur et prit violemment ses cheveux roux.

          _ Tu voles mon amour de toujours ! Tu es une garce, Evans !

Elle gémit sous la douleur et l'estomac du jeune homme se contracta. Puis une autre vague de haine le submergea et il envoya un coup de coude dans son estomac. Evans poussa une longue plainte et il rigola.

          _ Voilà, nous y sommes, tu souffres ! Et tu vas continuer à avoir mal ! Tu n'as pas le droit d'arrêter de souffrir, il faut que tu aies mal jusqu'à en crever, jusqu'au bout ! Tu ne mérites rien d'autre !

Le jeune homme furieux se plaça au-dessus de la jeune femme à terre et posa les mains sur son cou frêle. La confusion se fit alors dans son esprit. Il avait l'impression que deux sentiments l'assaillaient en même temps. Une envie de faire deux actions complètement différentes. Une envie de la protéger et de l'embrasser et une envie de la faire souffrir. Ses mains se mirent à trembler quand un autre voile rouge passa devant ses yeux et, à une vitesse affolante, il commença à serrer le cou d'Evans. Elle se mit à se débattre, le regardant avec des yeux suppliants.

          _ Je t'aime Lily.

Il secoua la tête et cria ensuite :

          _ NON ! C'est faux ! Je te hais Evans, du plus profond de mon âme !

James fronça les sourcils, commençant à se demander ce qu'il se passait. Quelque chose clochait. Il continuait pourtant à raffermir sa prise, la colère ne disparaissant pas.

          _ Tu ne mérites pas de vivre ! s'entendit-il crier. Tu es une erreur de la nature ! Tu n'as pas le droit de me voler mon amour ! Tu entends ? James est à MOI ! À MOI ! James n'est plus le même en ta présence, espèce de dégénérée ! James ne me regarde plus quand tu es là ! Tu l'ensorcelles ! Tu le fais souffrir ! Je te hais sale traînée ! Tu es le diable !

De plus en plus perdu, il se demandait maintenant qui pouvait-il véritablement bien être. Comment s'appelait-il ? Était-il un homme ou une femme ? Était-il amoureuse d'un James et voulait-il tuer une Lily ? Ou était-il amoureux d'une Lily ? Lily...

Il la regarda de plus près, le fond de ses pupilles criait à l'aide, ce qui lui vrilla l'estomac. La détresse était si poignante qu'elle stoppa momentanément le flux de haine qui circulait en lui. Plusieurs images défilèrent alors, Lily et lui, l'amour, plein d'amour, des baisers, des baisers pleins de passion, de la tendresse, de la détresse, de la souffrance... Merlin tout puissant ! Il n'était pas maître de son corps ! 

          _ Laisse-moi espèce de monstre ! cria-t-il à l'encontre du criminel. Je ne veux pas la tuer ! Je l'aime ! Ne la touche pas, tu entends ? Tu ne me feras pas faire ce que tu crèves d'envie de faire ! Jamais de la vie, tu m'entends, espèce d'horreur de la nature ! C'est toi qui devrais mourir ! 

Il gagna du terrain et lâcha prestement le cou de Lily. Le jeune homme se recula d'elle à une vitesse fulgurante, de peur de la blesser à nouveau. Il trébucha et se sentit tomber.

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