mercredi 6 février 2013

Chapitre 18 - Une certaine vision des choses


De là où il était, il apercevait une note sur la boite, peut-être était-ce une indication de la personne à qui rendre cet objet ? La boite était jolie et risquait sûrement d'être volée. En jeune homme éduqué, il se devait donc de le rendre à celui ou celle qui l'avait oubliée. Il prit donc la liberté de lire la note et fut interloqué.

« Qui que vous soyez, donnez ce coffret à James Potter, 7ème année, Gryffondor, après avoir lu la lettre. »

L'encre couleur océan et l'écriture ronde – légèrement tremblante cette fois-là – le fit tout de suite penser à une certaine personne. Personne qu'il essayait d'évincer de son esprit depuis des jours.

Pourquoi avoir posé ces deux objets sur cette table basse, à la vue de tout le monde si le coffret lui était destiné ? Quelqu'un allait forcément s'y intéresser tôt ou tard, étant mis si bien en évidence. C'était quelque chose d'incompréhensible, surtout si c'était vraiment celle qu'il soupçonnait ; il la savait pas friande pour deux sous des déclarations publiques.

De plus en plus intrigué, il ouvrit d'abord le coffret doré. Une stupide pensée fugace lui fit se demander si la boite provenait de la même boutique que celle de Pré-au-Lard. À l'intérieur, se trouvait une chaîne de maillons en argent finement entrelacés. Un pendentif était aussi présent, il s'agissait d'un vif entièrement en or un peu plus petit que la normal. James toucha doucement le présent et approcha le vif de ses yeux ; l'or était joliment entaillé à certains endroits pour former des lettres. Il y était inscrit « James ». En le retournant instinctivement, il trouva une autre gravure, celle-ci disait : « merci d'avoir été un Ange ». Il ne sut pas vraiment pourquoi, mais son cœur se mit à s'affoler.

Avec empressement, il ouvrit le long parchemin plié en deux et commença à le lire.

« Bonjour à la personne qui lira ces lignes,

                Tout d'abord, je vous prierais de lire la lettre jusqu'au bout, merci d'avance.

De toute ma vie, je ne m'étais jamais confiée et je pense qu'il est temps de le faire. Ma vie n'est pas exemplaire et surtout pas à plaindre, elle est plus repoussante qu'autre chose. Ne soyez pas touché par mes mots, ils ne le méritent pas. C'est une simple confession pour soulager ma conscience. Laissez-moi croire que grâce à cette lettre, j'aurais épargné à des gens de se poser des questions sur mon acte, laissez-moi croire que vous me comprendrez suffisamment pour apporter la boite à James Potter et laissez-moi croire que vous ne jetterez pas cette lettre au feu après les deux premières lignes.

Ayant toujours été une personne qui aimait les choses dans le bon ordre, je vais commencer par le début.

Je suis une fille de moldus, Lily Evans, j'ai 17 ans. Mes parents, Rose et Charles Evans m'ont toujours aimée, ainsi que ma sœur Petunia, jusqu'à mes 11 ans. J'ai reçu la lettre de Poudlard et pas elle. C'est ici que le fossé a commencé à se creuser. Je suis entrée dans cette école de sorcellerie avec des yeux émerveillés et je me rends compte que je m'émerveille toujours autant de la magie.

Lors de la deuxième rentrée, je me suis émerveillée d'autre chose, d'une amitié si présente au sein de quatre garçons et je me suis aussi émerveillée d'un de ces garçons, James Potter. Je me rends compte en l'écrivant que c'est horriblement banal et que des tas de filles ont du ressentir la même chose pour lui. Et pas que des cruches comme je ne cessais de le dire à qui voulait l'entendre. Peut-être eussé-je, par contre, l'instinct de me rendre compte de son aura chaleureuse et de sa bonté naturelle plus tôt que les autres puisque les Maraudeurs commencèrent à être populaire plutôt vers la troisième année. Il était si timide au début, mal à l'aise avec son corps mais tellement craquant. 

La troisième année, il m'avait adressé la parole vingt fois ; je les avais comptées. Malheureusement, ça n'était jamais allé plus loin malgré mes espérances candides ; je me consolais en me disant qu'il n'adressait la parole à presque aucune autre fille. »

James se souvenait aussi de cette année, s'il avait su qu'elle espérait plus, il aurait vaincu sa timidité plus vite, car lui aussi avait désiré plus qu'une simple conversation sur les devoirs.

« La quatrième année fut plus compliquée. Je commençais à avoir des rêves très désagréables mettant James Potter en scène, des rêves désagréables où il n'agissait pas gentiment avec moi ; se moquant de moi, en utilisant les mots de ma sœur qui étaient de plus en plus acérés.

À l'heure d'aujourd'hui, je me demande si ma sœur exagérait par jalousie ou est-ce qu'elle voyait l'être que j'allais être ? Avais-je trompé le choipeaux ou avais-je changé au cours de ma scolarité ?

Mes cauchemars, bien que plus légers à l'époque, me minèrent tout le mois de Septembre et je repoussais les tentatives de séduction de James Potter, alors qu'une année plus tôt, j'en mourrais d'envie. Plus il venait vers moi, plus mes cauchemars étaient puissants. Ainsi, dans mes rêves, après m'avoir traitée de monstre sans cœur, il commença à être violent avec moi ; il me mettait des baffes. Une méfiance au creux de mon être commença à germer et, quand il était près de moi, je craignais sa réaction. Malgré tout, James Potter nourrissait un intérêt à mon égard que je n'ai jamais compris même si j'en suis encore touchée à l'heure d'aujourd'hui. J'étais soulagée quand les vacances arrivaient car je n'avais pas de cauchemars de ce type dans la maison de mes parents. Je pense que c'est parce que je redevenais la petite fille que j'étais. Peu avant les vacances d'été, mes parents subirent l'attaque de mangemorts et une partie de moi fut détruite à vie. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet là, il est encore bien trop douloureux pour moi. Je peux juste vous parler des conséquences, je ne dormais plus et quand la fatigue l'emportait, je rêvais de Potter en mangemort, tuant mes parents, me traitant de monstre. J'avais cru, cette année là, que je ne pourrais pas avoir de rêve plus monstrueux. Comme je me trompais... » 

L'effroi gagna lentement le jeune homme. Ses rêves avaient commencé si tôt ?! Cet espèce d'enfoiré la maltraitait presque toutes les nuits depuis ses quatorze ans ?! Et en plus, ils étaient la cause de ses innombrables rejets ? Il n'en croyait pas ses yeux. 

« La fatigue ne m'aidait pas à raisonner et j'étais de plus en plus méfiante envers James Potter. Je le critiquais sur tout ce que je pouvais sans jamais oser lui dire ce qu'une partie de moi croyait et craignait. Était-il maléfique ? Était-ce juste des rêves ? Étais-je un monstre ?

Les reproches de Pétunia ne m'aidèrent pas et elle m'avait même interdit de remettre un pied dans sa vie après le décès de nos parents. J'étais définitivement seule. 

Je me suis plongée dans les études, rageuse et amère comme jamais et je me plongeais aussi dans les disputes avec James Potter, le seul exutoire que j'avais.

À l'époque, je ne comprenais pas une chose, pourquoi y avait-il une méfiance qui m'enchaînait à la solitude et qui m'interdisait d'aller vers James Potter puis, d'un autre côté, une envie qu'il me prenne dans ses bras pour m'enlever à cette vie, à ce cauchemar ? Pouvait-il être l'Ange et le Démon en même temps ?

La sixième année fut très dure. Il me frappait de plus en plus fort dans mes rêves, j'avais si mal chaque nuit. Les insultes étaient devenues plus virulentes. Les derniers jours avant les vacances d'été, il me...tuait même, j'avais véritablement l'impression de vivre mes dernières minutes, en entendant son rire cruel. »

L'estomac de James se tordit violemment, le criminel qui faisait vivre ces rêves à Evans était un taré, il en eut la nausée. Comment avait-elle réussi à l'embrasser après ça ? Il se sentit tout d'un coup honteux de lui avoir craché toutes ces phrases, il y a quelques jours. Si seulement il avait su...

« Dans ce même temps, James Potter était venu me voir et m'avait proposé un marché. Un marché sur lequel je sautais, priant pour que tout s'arrête une fois James Potter loin de moi. Et effectivement, les rêves étaient moins rudes une fois cet accord passé, il me répétait seulement quelques insultes en hurlant qu'il était enfin débarrassé de moi. Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'il  me manquerait malgré la méfiance qui était présente en moi, telle une voix de la raison.

Cette année, ma septième, j'ai finalement compris. Compris que mon attirance pour James Potter avait été saine, depuis le début. Quelque chose s'est détraqué dans ma tête, je ne sais pas exactement quand, peut-être en quatrième année ? Peut-être avant ? En tout cas, j'ai compris que ma conscience me faisait passer le message que j'étais folle par le biais des rêves. La méfiance qui naissait en moi depuis des années, n'était pas par rapport à Lui, non. Le monstre n'était pas James Potter. Le monstre, c'était moi.

Pourquoi étais-je revenue vers lui ? Parce que mes cauchemars avaient perdu de leur virulence, parce qu'en cette septième année, je recommençais à vouloir être aux côtés de James Potter, parce que la méfiance s'effritait un peu plus à chaque fois que j'entendais les élèves le décrire, que je le voyais rire, se comporter bien. James Potter avait toujours été un être bon. Ça, j'avais fini par le comprendre. Et j'avais aussi compris qu'en homme de parole, il ne viendrait pas me chercher. Or, j'étais seule et je vivais la renaissance de mes sentiments amoureux étouffés dans leurs cendres. Des projets fous germaient dans mon esprit pour tenter de l'amener à me voir à nouveau, à me parler. Sans réfléchir, je pris celui qui selon moi aurait le plus de chance de marcher ; n'ayant pas très confiance en moi, je décidais d'appuyer sur la corde de l'attirance physique – corde que tout garçon de 17 ans prendrait, que je sois une folle ou pas, qu'il soit amoureux ou pas. Je mis donc de beaux dessous, je m'entraînai et dérobai ses lunettes un soir. Je jetai un sort qui permettait à lui seul de voir en dessous de mes vêtements. Puis je fis ensuite un pas amical vers lui, priant pour qu'il me demande encore de sortir avec lui, priant aussi pour que mes rêves restent aussi peu désagréables ; je m'étais habituée. Avec mes deux premières années, ce fut la période la plus joyeuse que j'eusse l'occasion d'avoir. Les maraudeurs étaient drôles, James et moi étions amis et je projetais déjà de me jeter dans ses bras. Puis tous mes espoirs dégringolèrent une semaine plus tard. J'eus un cauchemar si monstrueux que même dans cette lettre, je ne le détaillerais pas. Sachez seulement que je tuais mes parents à mains nues et j'en prenais un plaisir intense. Je ressentais vraiment ce plaisir au fond de mon être. J'en suis encore choquée à l'heure où je l'écris. Je me sentais, je me sens si horrible et si monstrueuse. James Potter n'était plus le méchant de l'histoire. Ma vraie nature venait enfin de se révéler. Mes fantasmes répugnants que j'avais vécus à travers le méchant Potter dans mes rêves étaient maintenant exécutés par moi ; je ne prenais plus d'intermédiaire. J'étais paniquée, je pleurais encore et encore, et mon cœur me dirigea vers James. Cette nuit-là, il me cajola sans demander son reste. J'avais si honte le lendemain que j'avais encore tout rejeté sur lui. C'était si facile. Bien sûr que c'était lui, il faisait ça pour me faire pleurer pour que je vienne dans ses bras et qu'il sauve la demoiselle en détresse. Sauf qu'il ne pouvait pas me sauver d'une chose que je créais. James Potter était bon, ce n'était plus la peine de se mentir. Le problème venait de moi. J'en prenais conscience un peu plus chaque jour ; à tel point que je me rendais compte qu'il fallait que j'éloigne les bonnes personnes de moi. Malheureusement, l'égoïsme me rattrapait souvent et, plusieurs fois, je me laissais câliner par James Potter. Comment faisait-il pour m'accepter encore alors que j'avais tenté de l'éloigner de moi à coup de phrases monstrueuses ? Alors que je l'avais accusé de MON crime, que c'était lui qui me forçait à faire des choses monstrueuses ? Je n'ai jamais eu la réponse et au fond, peu m'importe, maintenant. Mais une chose est sûre, James Potter est un Ange. Un Ange parfait, cela va de soi, avec une telle bonté. Peut-être n'y a-t-il par d'autre explication, c'est peut-être sa simple bonté qui l'a poussé à m'accepter.

Je tiens à préciser que je pèse mes mots, ce ne sont pas des envolées lyriques. J'ai eu suffisamment de temps pour y réfléchir. Et moi j'avais blessé l'Ange. Le Démon avait entraîné l'Ange dans sa chute vertigineuse. Il s'était accroché et j'avais joué avec lui, profitant par pur égoïsme de sa "faiblesse", cette force de se battre pour une cause perdue telle que moi. Je regrette sincèrement qu'il m'ait rencontrée, pour lui. Pour moi, je regrette de n'avoir pas pu avoir plus de moments de bonheur avec lui. Mais je ne mérite pas le bonheur, je le sais. Quelqu'un qui rêve, qui pense à des choses si horribles que seuls les pires monstres osent faire ou imaginer et qui prend un plaisir fou à le faire ne mérite pas de vivre.

Je ne sais pas quand j'ai basculé dans la noirceur des profondeurs de mon âme. Peut-être avais-je toujours eu un problème. Peut-être que le monstre qui vit en moi dormait en attendant la faille qui me changerait à jamais. La faille est arrivée, il y a plusieurs années maintenant, et je sais ce que je dois faire avant que ma raison ne se fasse engloutir, avant que la lueur qui me permet encore de me dégoûter de moi-même disparaisse.

La raison pour laquelle vous lisez cette lettre, c'est que j'ai mis fin à ma vie. Je vous en supplie, ne vous sentez pas coupable, vous n'auriez rien pu faire, j'ai déposée cette lettre dans la nuit exprès, j'ai fait mon choix et je souffre depuis trop longtemps. Je ne veux pas qu'on me sauve et je m'excuse, car je vous fais certainement peur. Je pense aussi que je n'ai plus toute ma tête.

Une chose est sûre, je m'accrochais à James Potter, je m'y suis toujours accrochée tel un pilier indestructible. Il y a quelques jours, l'Ange m'a rejetée avec suffisamment de force pour que je le lâche. Lui pouvait enfin continuer à monter vers le ciel et moi je pouvais chuter dans les profondeurs des abysses, là où est ma place, je le sais. Remerciez-le pour moi, je vous en prie. Sans ça, je me serais accrochée à lui et j'aurais fini par le détruire. Je ne supporte déjà pas qu'il ait perdu quelques plumes en me côtoyant. »

James écarquilla les yeux, complètement horrifié, se dépêchant de lire la suite pour savoir s'il y avait des indications du lieu où elle le faisait, il n'était peut-être pas trop tard, après tout il était encore le plein milieu de la nuit. Son coeur battait à tout rompre.

«Vous trouvez mon corps dans le lac, je ne pense pas que je serais dévorée par les créatures sous-marines, elles sont végétariennes. Je souhaite que mon corps soit brûlé et que vous détruisiez les cendres magiquement. Mais ne dites rien à ma sœur. Je ne veux pas de pierre en ma mémoire. Rappelez-vous bien que c'est une délivrance, je ne peux plus exister. Je vais enfin cesser d'interférer dans la vie de James. Qui sait ce qui ce serait passé, si j'avais encore vécu quelques années ? Peut-être aurais-je vraiment reproduit ce dont je rêvais. Je préfère m'arrêter ici, c'est le mieux que je puisse faire. Je regrette simplement de ne pas rejoindre mes parents, j'aurais tellement aimé les revoir...

Gardez l'image de la Lily de 13 ans, joyeuse, insouciante et malicieuse, dans votre esprit. Je sais que les Maraudeurs et Stella ont de grands cœurs, aussi, s'ils leur venaient l'idée absurde à l'un d'eux de me regretter, rappelez-leur que la bonne Lily est morte depuis longtemps.

Enfin, ma dernière confession sera celle-là (j'ai toujours préféré les fins heureuses), j'ai toujours aimé James Potter, aussi monstrueuse que je sois. Mon cœur d'enfant a toujours battu pour lui, ainsi que mon cœur de Démon.

Merci de m'avoir lu,

Lily Fleur Evans. 1970. »

Le jeune homme bondit en direction du parc en priant tous les saints pour qu'il ne soit pas trop tard.

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